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Chroniques de la Mémoire
des Hautes-Pyrénées

N° 90-91-92-93

André Cazaillon :

quel personnage !

Pour ma 100e chronique de la Mémoire, je veux évoquer André Cazaillon, personnage devenu illustre sous la plume poétique de Rodolphe Bacarat, arsenaliste que j’ai bien connu au sein du Comité de rédaction du journal "Présence ATS". Les faits d’armes de Cazaillon étaient devenus tellement invraisemblables ou fantastiques, au choix, que d’aucuns mettaient en doute le sérieux des récits. Rouge d’affront, la rédaction du journal décida d’interwiever la célébrité parallèle, le 27 septembre 1978. Cazaillon était né en 1905 à Aureilhan. Il entra en apprentissage — 1920-1923 — avec quelques patronymes connus : Abadie, Buisson, Bureu, Castet, Coatriné, Daries, Guilhamenc, Jacquin, Laporte, Roucau, Salettis, Samson, Vilars. Affecté au Bureau de Fabrication, parce que major de sa promotion, il effectua son service militaire et se fit embaucher aux Constructions Électriques de France (Alsthom). Déserteur, déjà ? Non, une meilleure paye pour un homme toujours à court d’argent. Les arsenalistes ayant été augmentés, il passa un essai et revint à l’A.T.S, à la 2e Division avec, pour contremaître, M. Mori, que Cazaillon aimait tant ridiculiser. "Il avait des méthodes de travail qui dataient de la reine Jeanne ! il vous donnait une série de pièces à faire comme si c’était des pièces unitaires. Comme j’avais horreur des séries, j’inventais des méthodes et des montages pour travailler sans me fatiguer". 

André Cazaillon

le fantasque !

André Cazaillon, personnage des années 1920 devenu illustre sous la plume de l’arsenaliste Rodolphe Bacarat, fut victime d’une mauvaise chute en descendant l’Aubisque à tombeau ouvert imitant en cela les forçats de la route qu’il venait d’applaudir dans l’autre sens. Diagnostic : six vertèbres fêlées. Le médecin de l’A.T.S, flairant le coup tordu, certifia un simple lumbago ! Arrêté plusieurs mois, Cazaillon fut déclaré tire-au-flanc. Sa cote d’amour auprès des chefs était au plus bas, cela va sans dire. Handicapé, il reprend cahin-caha le travail dans un comptoir d’atelier de la 1re Division. Pour protéger ses reins des courants d’air, il place un paravent derrière lui. Ce mini abri attira-t-il l’œil du contremaitre sur cet arsenaliste facétieux ? C’est probable ; toujours est-il que sur la foi d’un dossier volumineux, la Direction le convoqua et le licencia, en 1941. A la libération, il demande un examen de son dossier médical. On lui fait passer une radio et que voit-on ? Six vertèbres fêlées ! Le personnage fantasque n’avait pas menti et le dossier médical rétabli, Cazaillon fut réintégré à l’Arsenal et immédiatement invalidé. Devenu célèbre par la publication de ses frasques, l’homme était reconnu dans son club pour son style inénarrable de conteur et sa franche jovialité. N’était-il pas l’arsenaliste qui s’était permis d’arriver à son travail à pied (jusque là tout va bien), en voiture (l’interwiev ne précise pas la nature de ce moyen de locomotion) et à cheval ! Là, je reconnais que le capitaine Butor, Directeur de l’A.T.S, ne devait pas être content du tout ! 

Jean-Claude

des Baronnies


Dans son dernier ouvrage, André Minvielle parle de sa rencontre avec Jean-Claude Viau, originaire des Baronnies. Jean-Claude est un jeune retraité cheminot qui raconte merveilleusement sa vie. Les Baronnies ? Une enceinte, une cuvette considérée encore aujourd’hui comme un pays arriéré. Quand tu disais : "Je viens des Baronnies… Ouh là ! Oh putain ! T’as des mecs à Bagnères qui connaissent pas les Baronnies". Dans ses jeunes années, pour sortir un peu, il allait au marché du mercredi, à Lannemezan et du samedi, à Bagnères. Pour lui, les Baronnies c’est un chant puissant. "Il faut pamper. Le but de chanter à l’extérieur, c’est de te faire entendre. Du mec en face ou de la maison d’à côté ou du village d’à côté, enfin, il faut te faire entendre". Avec Eths Bandolets, il chante dans tous les stades de rugby. Il s’époumone en toutes langues : espagnol, occitan, italien, corse, breton. Entonner le «Flower of Scotland» en écossais, français ou occitan c’est une vraie émotion. Et chanter au Millenium de Cardiff, dans le "caulet" "t’as les poils qui se quillent !". Il dit vrai Jean-Claude, moi, qui regarde le tournoi à la télé, je l’ai ressenti. Pour Jean-Claude, le rugby, c’est une vraie passion. Pour lui, la France est un terrain de rugby où la Loire se situerait sur la ligne médiane, l’Occitanie serait dans "nos" 50 mètres et les Baronnies, plus en arrière encore, dans les vestiaires. Je te salue Jean-Claude, ta ferveur enthousiaste pourrait aider quelques Bigourdans, quelques années encore, à rester et vivre au pays, avec leur culture et leurs traditions.

Joseph Abadie : un héros


À la fin du mois de janvier 1917, le 24e Régiment d’Artillerie de Campagne, sous les ordres du Chef d’Escadron Teulier, rejoint la 10e Division d’Infanterie coloniale, commandée par le général Marchand, pour se positionner dans le secteur de la Tour de Paissy, région de Cuissy dans l’Aisne. Le 15 avril 1917, la « Grande Batterie » est armée : 30 canons de 75, approvisionnés de 21 000 coups, attendent, à 400 mètres des lignes ennemies, l’ordre d’ouvrir le feu du général Nivelle. Le 16 avril, à 6 heures, les premières vagues d’assaut des Sénégalais déferlent sur l’envahisseur et les téléphonistes installent leurs postes d’observation jusqu’au-delà du Chemin des Dames. Malgré le terrain détrempé par les pluies et les boyaux effondrés, les 9 batteries seront alimentées toute la journée. Les pertes sont lourdes : 6 officiers, 12 sous-officiers et 55 hommes tombent au champ d’honneur. Ce même 16 avril 1917, à la Tour de Paissy, le brigadier signaleur Joseph Abadie, de la 1re batterie, est grièvement touché. Il est transporté par les brancardiers de la 10e D.I.C à l’ambulance n° 10, à Jumigny — Aisne. Les blessures sont très importantes et il décède le lendemain, mardi 17 avril 1917. Né dans les Basses-Pyrénées, le 22 mars 1890, il a 27 ans. Éclaireur de la batterie, il était chargé d’assurer une liaison optique dans un poste particulièrement dangereux. Joseph Abadie a écrit une lettre admirable pour ces chers parents qu’il a donnée, mourant, à son ami Émile Bocquet miraculeusement préservé par l’obus de la mort. Il était forgeron et compagnon du tour de France, de passage à Vic-en-Bigorre à la mobilisation. Avant le dernier souffle, il a récité son acte de contrition et crié "Vive la France". Il est le premier nommé sur le monument aux morts vicquois.