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Chroniques de la Mémoire
de Lourdes

N° 103-104-105

Lourdes vers 1872

Lithographie de Félix Benoist

Col. Musée Pyrénéen

Lourdes en 1858


En 1858, l’étranger ou l’étrangère venant se marier et se fixer à Lourdes est l’objet de la part de ses voisins d’une réunion curieuse appelée la sègue, la haie. Une ceinture est déposée devant la porte des époux, deux files de jeunes gens font la haie par laquelle passe la noce. On apporte des bouquets de fleurs aux conjoints et à leurs accompagnants puis, sur un plateau, une bouteille et un verre. "Offrir à boire est toujours dans nos montagnes une politesse de rigueur" affirme Raymond Ritter qui raconte la cérémonie. Mais toute gentillesse et tout honneur de la part des voisins ont leur revers : le bon repas fourni aux nombreux convives sera à la charge exclusive de l’étranger qui paie ainsi son droit d’entrée ! Malheur au pingre, le charivari deviendrait un concert assourdissant de poêles, chaudrons, sonnettes, casseroles, dénonçant à la contrée l’avarice du nouvel arrivant. La police aura beau se manifester, le vacarme reviendra avec plus d’intensité encore. Et le peuple dira "que cet usage est juste et rationnel". Car on ne transige pas avec les relations de voisinage. Au moindre accident, un voisin est une aide providentielle. Pour le malade, son concours est indispensable et deux bras supplémentaires sont les bienvenus pour les travaux des champs. Et puis, à la fin, c’est lui qui portera le cercueil du voisin. À dire vrai, un bon voisin est aussi sacré qu’un parent.

Lourdes en 1858

En ce milieu de XIXe siècle, Bascle de Lagrèze prétendait "Qu’il n’y a pas longues années lorsqu’une maladie se montrait rebelle aux secours de l’art, les parents du malade cherchaient l’explication du mal dans quelque maléfice". C’est sûr, un sort a été jeté dans leur maison, disent les lourdais, et, pour s’en délivrer, ils renouvellent une partie de leur mobilier et sacrifient le lit où la guérison n’a pu venir. Une espèce d’autodafé en quelque sorte. Pour que l’esprit du bien terrasse l’esprit du mal, "on oppose aux sortilèges de la sorcière invisible les prières de quelque âme dévote en réputation de sainteté". Les médecins lourdais de 1858 réussirent, non sans peine parait-il, à obtenir la suppression des remèdes superstitieux quand les remèdes de la médecine officielle ne produisaient aucun effet. Si le charivari avait pour origine le mariage de forains qui se mariaient dans la ville et devenaient ainsi des "voisins", la mort accidentelle d’un étranger dans la commune entraînait une exigence morale publique qui consistait à procurer les honneurs de la sépulture dans le cimetière communal. L’hospitalité due aux morts, seraient-ils étrangers, était sacrée. L’inobservation de cette obligation charitable relevait de l’impiété qui immanquablement serait sanctionnée par le courroux céleste qui enverrait, dans l’année, le fléau de la grêle.

Château de Lourdes avant 1870

Photographie Viron

Dessin Lancelot Turpin de Crissé - 1848

Col. Musée Pyrénéen

Lourdes en 1858


Dans son "Indicateur des Hautes-Pyrénées" de 1856, Abadie de Sarrancolin observe qu’au son des cloches, dimanches et jours de fêtes, on s’empresse aux cérémonies du culte dans toute la Bigorre. "L’éducation religieuse est de bonne heure inculquée aux enfants par les mères. Elles leur apprennent prières et signes extérieurs de la religion. À l’âge de huit ans, tous fréquentent les instructions du catéchisme et puisent, durant quatre ou cinq ans, tous les principes de morale et la crainte de Dieu. Le dimanche est sanctifié par le repos et l’assistance aux offices". L’église Saint-Pierre-de-Lourdes est le siège de nombreuses confréries dont certaines remontent au Moyen Âge, observe Raymond Ritter. Elles ne sont pas des lieux de dévotion stérile. Non. Plutôt à but humanitaire. En 1858, neuf confréries philanthropiques et pieuses masculines rassemblent des ouvriers qui se reconnaissent "confrères" et pratiquent le secours et la charité chrétienne. Les confréries qui se partagent le maître-autel et les chapelles dont elles prennent le nom les entretiennent par la quête du dimanche. La confrérie Notre-Dame des Grâces se compose de laboureurs, celle de Notre-Dame de Montserrat de maçons, celle de Sainte-Anne de menuisiers, celle de Sainte-Luce de tailleurs d’habits et de couturières, celle de l’Ascension de tailleurs de pierre, celle du Saint-Sacrement des marguilliers, celles de Saint-Jean et de Saint-Jacques de tous ceux qui ont le même nom de baptême.