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Chroniques de la Mémoire
de Lourdes

N° 100-101-102

Lourdes

Lithographie de R. L. Gale

Lourdes en 1858


Dans sa dernière livraison, la revue "Mémoire du Pays de Lourdes" nous plonge dans la vie de la cité mariale, au temps de Bernadette, en 1858. Le chef-lieu comptait 13602 habitants, en forte progression depuis 1829, où sa population était seulement de 3670 âmes. L’information est donnée par Raymond Ritter (1894-1974) qui restaura le joli petit château de Morlanne, dans les Pyrénées-Atlantiques. La "masse des humbles" lourdais s’est-elle économiquement élevée pendant ces quelques décennies ? Pas du tout. Le sol de la commune est pauvre et une famille de cinq journaliers doit consacrer à ses dépenses 523 francs par an, impôt compris, soit l’équivalent d’une jument poulinière — 300 F — et d’un bœuf engraissé — 225 F. La farine de maïs et le lait étaient quasiment leur seule nourriture. L’hiver, ils allaient dans la forêt chercher du bois pour la cuisson des aliments et chauffer l’unique chambre de leur logis. À la saison thermale, ils se plaçaient comme domestiques. On buvait l’eau qui, par bonheur, venait jusqu'au milieu de la ville. Le confort était inexistant. On s’entassait à dix ou douze dans une seule pièce qui servait de cuisine, salle à manger, atelier, dans la journée, et de chambre à coucher, le soir. Très peu de linge, encore moins de meubles et, pour toute batterie de cuisine, un chaudron où cuisait en permanence la pâte de maïs.

Lourdes en 1858


Pour le centenaire des apparitions, en 1958, Raymond Ritter écrivait dans la revue "Pyrénées" un article consacré à l’histoire de la cité mariale. Il affirmait qu’en 1858, la plupart des lourdais étaient encore des paysans cultivant principalement du maïs. Le froment, le méteil et l’orge n’étaient pas négligés pour les besoins locaux de l’exploitation. Ici, point d’avoine mais des pommes de terre en veux-tu en voilà. L’élevage des bovidés, et particulièrement celui de la race lourdaise, domine comme il se doit. N’est-elle pas déjà réputée pour sa qualité laitière ? L’élevage des ovidés est numériquement prépondérant dans le département. Disons-le, les cultivateurs lourdais jouissaient d’une petite aisance comparativement aux ouvriers beaucoup moins favorisés car l’activité industrielle était quasi inexistante depuis le déclin de la fabrication des toiles, florissante au XVIIIe siècle, qui faisait vivre 3000 personnes. La seule industrie lourdaise de ce milieu de XIXe siècle était celle des carrières de marbre et de pierre de taille que l’on retrouvaient dans tous les bâtiments de "prestige" du département. Les deux carrières principales étaient situées au pied du pic du Jer et de la montagne du Béout et faisaient vivre 153 exploitants. Carrières d’ardoises aussi par 35 exploitants dont les schistes en lavasses, nouveau produit, servaient à l'édification des ponts et des clôtures. Enfin, il faut ajouter 12 moulins et 2 scieries.

cliché Claude Larronde

Lourdes

col. Claude Larronde

Lourdes en 1858


En 1858, le commerce à Lourdes est fort peu développé. Il le serait encore moins s’il n’y avait les marchés et les foires. Raymond Ritter compte cinq boulangers, sept bouchers, treize épiciers et deux pâtissiers pour assurer l’alimentation. Trois boutiques de draperie et nouveautés, cinq tailleurs, dix cordonniers, un chapelier, un teinturier sont là pour attirer le chaland. On achète laines et tricots chez Mme Lavan tandis que Mme Tardivailh est marchande de modes. Cinq coiffeurs assurent le service des ciseaux et du rasoir. Donc, tous les corps de métiers traditionnels sont représentés. Si un de leurs curés dépeint les lourdais, avant la Révolution, "sans industrie, pauvres, livrés à eux-mêmes et assez dociles, mais faciles à se laisser entraîner au mal, s’adonnant au vin et assez assidus aux offices et aux instructions", quelques décennies plus tard, le jugement de Bascle de Lagrèze est nettement plus flatteur : "Ils ont les qualités et les défauts de races montagnardes. On remarque chez eux de la fierté et de la rudesse, des haines et des amitiés bien prononcées, des relations de voisinage fidèlement observées et des rapports de société fort négligés". Il remarque surtout "de la roideur à l’égard de l’homme venu d’ailleurs". En cela le portrait du lourdais est-il si différent du villageois de Bagnères, Capvern, Lannemezan, Tarbes ou Vic-en-Bigorre ?