Pages : 49 - 52 - 55 - 58 - 61 - 64 - 67 - 70 - 73 - 77 - 81  -  83  -  86  - 90 - 94 - 97 - 100 - 103 - 106 - 109 - 112 - 115 - 118 - 121 - 124 - 127 - 130 - 133 - 136 - 139 ---------->  Retour à Chroniques de la Mémoire

Chroniques de la Mémoire
de Vic-en-Bigorre

N° 112-113-114

Halle aux grains de Vic-en-Bigorre

cliché Josiane Pomès

Le marché de Vic-en-Bigorre déplacé


Le 18 décembre 1792, Jean Suzanne Combessies, Agent municipal assurant la fonction de maire depuis l'année précédente, décide de démolir la vieille “Marcadale” - halle en bois sur la place du marché, aujourd’hui place de la République, face au garage Central. Depuis des temps immémoriaux, les droits payés par les marchands servaient à financer son entretien. Accusés d’être un "reste de la féodalité", ils sont supprimés et la vénérable halle est abattue. Combessies joue double jeu. Ces discours sont révolutionnaires mais aucun vicquois ne sera jamais inquiété. Les négociants et camelots sont priés d'aller poser leurs étaux sur la place de la Fédération, devant l’Hôtel de Ville, où l'on s'organise comme l'on peut. Puis, le manque de place incite les marchands à se déplacer du côté de l’ancien “Portal d’Arré”, sur la place du Foirail. Là, au sud, se tient le marché aux bestiaux, au nord, le marché aux grains. Pendant 70 ans, le marché se tiendra à ciel ouvert. A partir de 1850, les récoltes sont abondantes et les rendements augmentent. Les deux marchés - grains et bétail - sont fréquentés massivement par les agriculteurs, éleveurs du canton, voisins Béarnais ou Gersois. Mais, cette situation se détériore les jours de pluie. La chaussée en terre, piétinée par les sabots des hommes et des chevaux, creusée par les chars et les voitures, se dégrade rapidement et rend le grain impropre à la vente. Il faut annuler le marché hebdomadaire. En novembre 1857, le Conseil municipal est présidé par le maire Camille Darros. Le conseiller Dulor, petit-fils du révolutionnaire chef de file de la "Société populaire" de 1793, propose la construction d’un marché couvert. La proposition est adoptée par 9 voix contre 8, à une petite voix de majorité ! Le clan des “contre” mené par le Maire, livre une rude bataille face aux "pour" de Dulor. 

Une halle aux grains modèle


Le maire vicquois rappelle l’engagement financier de la commune : restauration de l’Église = 43000 F, reconstruction de la mairie "qui menace ruine" = 30000 F, établissement d’une bascule publique et de plusieurs bornes-fontaines = 17822 F. Rien n'y fait, la proposition Dulor est votée. En janvier 1858, le Maire propose d’ajourner le projet car le chantier mis en place débordera sur les travaux de la route impériale n°135 - Napoléon III a entrepris une grande politique de modernisation des villes. À nouveau, la proposition du Maire est rejetée par 11 voix contre 10. Dulor consulte le Préfet qui est favorable à la construction, à condition qu'elle soit de même nature que “les systèmes des gares du Chemin de Fer”. Le projet est confié au tarbais Jean-Jacques Latour. Brillant architecte, sorti de l’École des Beaux-Arts, il est l'auteur de nombreuses réalisations dont la construction du Musée et de la tour Massey, à Tarbes, et la restauration de l’église Saint-Martin de Vic-en-Bigorre. Le devis s’élève à 60000 F. La halle aux grains est construite en fer et fonte, sur un sol de terre battue et la toiture est en zinc ondulé. La construction de la halle aux grains s'achève au mois de juin 1862. L'ouvrage a fière allure. L’architecte l’a voulu identique aux halles centrales de Paris érigées huit années plus tôt par Victor Baltard. D’une hauteur totale de 11,60 m, il couvre un grand rectangle extérieur de 56,25 m, d’est en ouest et de 43,75 m, du nord au sud. L'ensemble est soutenu par 48 colonnes sur socles, en pierre de taille de Lourdes. Le pavillon central de 468 m2, supporté par 16 colonnes en fonte creuse dont 4 colonnes maîtresses, aux angles, reliées entre elles par des arcatures formant plein cintre, est surmonté d’une grande lanterne à ciel ouvert vitré qui projette la lumière sur le carré central réservé au marché du grain. 

Marché couvert de Vic-en-Bigorre

cliché Josiane Pomès

Toitures de la Halle aux grains

cliché Josiane Pomès

Le poids de la neige 


Le 12 janvier 1867,  la neige se met à tomber en abondance. Au troisième jour, à midi, la couche atteint 16 cm. Le pavillon central craque sous 3000 k de neige et les arbalétriers fléchissent entraînant l’affaissement des pannes solidaires et de la couverture en zinc ondulé, agrafée sur celles-ci. Le Conseil municipal constate les dégâts et se retourne contre les frères Daney, entrepreneurs de l'ouvrage. Jean-Jacques Latour leur reproche d’avoir abusé de sa confiance. Quelles étaient ces dimensions (Paris - Vic) ?
Portée d'un arbalétrier…………  12,40 m - 13 m
Écartement………………………......5,96 m - 6,30 m
Poids total ……………….………......1360 k - 219 k
On remarque immédiatement que pour une portée accrue des arbalétriers, le poids de la fonte a été divisé par six comparativement à l'élément Baltard de Paris. L'économie demandée par les édiles vicquois à l'architecte était un mauvais calcul. L’administration communale restera trois ans dans l’impasse. On redressa les fers des arbalétriers, chevrons, entretoises et l'on érigea 22 colonnes supplémentaires, en fonte, afin de limiter la portée des arbalétriers de 13 m à 6,35 m. Une rangée intermédiaire de 22 colonnes sur socles de pierre - Nicolas Romain de Saint-Pé-de-Bigorre - fut ajoutée. En 1882, on constate que la poussière soulevée est un important désagrément pour les marchands de draps et pour le blé qui s'échappe des sacs crevés. La municipalité de Joseph Fitte décide alors le dallage en ciment pour les denrées, les marchands de draps et de grains ainsi que le pavage intérieur, en pierres de l’Adour, du dessous de la lanterne et du double passage de circulation des chars et voitures. En 1988, une restauration remarquable sera réalisée par la municipalité de Claude Miqueu.