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Chroniques de la Mémoire
des Hautes-Pyrénées
 

N° 61-62-63

C'est Tarbes qu'on assassine !

L'histoire de l'Arsenal de Tarbes est jalonnée d'épisodes dramatiques. Le dernier d'entr'eux, que l'on peut qualifier de funeste, eut lieu le lundi 7 avril 2003. Luc Vigneron, PDG de GIAT Industries, présente le plan de la direction centrale intitulé : « Projet GIAT 2006 ». Les délégués syndicalistes du Comité central d'entreprise sont assommés. André Golliard, délégué central CFDT : « C’est un véritable trou noir pour les salariés… Des drames sociaux et humains sont à craindre… La souveraineté nationale vient d’en prendre un coup. C’est un véritable plan de démantèlement destiné à diluer le capital de l’État en vue d’une privatisation ». Pour Jean-Pierre Brat de la CGT : « Nous sommes face à un crime d’État… C’est véritablement la mort de GIAT qui est programmée ». Daniel Jaboulay, administrateur CGT : « Je ne vois pas comment un GIAT à moins de 3 000 salariés peut survivre. Dans bien des régions, GIAT est la seule grande entreprise et un emploi nourrit quatre bouches ». GIAT Industries décide de réduire ses effectifs, de manière drastique, à 3 750 salariés. Le Centre de Tarbes sera ramené à 150 salariés, au 30 juin 2006. Comme une prémonition, les salariés du Centre de Tarbes ont cadenassé les portes de l’entreprise et se sont massés contre les grilles des portails d’entrée pour faire écran aux mauvaises nouvelles qu’ils pressentent depuis plusieurs jours. 
 

L'union sacrée

au Conseil municipal de Tarbes

Les dernières années de l'Arsenal sont truffées de nombreux épisodes de colère parsemés de quelques moments d'espoir. L'un d'eux a eu pour cadre la salle du Conseil municipal de Tarbes, beaucoup trop petite pour contenir l’affluence des salariés du GIAT, le jeudi soir 10 avril 2003. Daniel Gerbault, à la droite du maire Gérard Trémège, ironise : « Il faut que l’heure soit grave pour que je sois assis là, M. le Maire ». Ce dernier introduit la séance extraordinaire : « Je voudrais rendre hommage à tous les salariés et à leurs familles qui vivent dans l’angoisse depuis des mois. Le Conseil municipal doit exprimer sa solidarité envers ceux qui se voient menacés dans leur emploi et leur vie… L’État, actionnaire sans stratégie, l’État, client sans parole, l’État, gestionnaire sans vision, l’État est responsable. Ce plan est inacceptable car Tarbes a déjà payé, depuis 20 ans, et n’a jamais rien reçu… ». Le principal est dit. Daniel Gerbault, porte-parole de l'intersyndicale, répond : « Ce n’est plus la peine d’utiliser des arguments techniques, la décision est désormais politique… On a 5 jours pour faire annuler le CCE du 16 avril. Sinon, le plan se mettra en branle… Il faut utiliser les grands moyens ; gauche-droite, droite-gauche, au boulot. Quand le combat est juste, au diable l’appartenance politique ! ». Ces accents à la Saint-Just soulevèrent une grande émotion et furent acclamés par les arsenalistes et tout le Conseil municipal.

L'Assommoir

Dans son éditorial du 8 avril 2003, Jean-Louis Toulouze estime que le pire est arrivé. Seulement 70 salariés seront rescapés à la Pyrotechnie de Tarbes, succursale de l’Enfer, que personne n’a voulu. Les technocrates de l’armement avaient déjà supprimé de leur vocabulaire le mot « Arsenal » dit-il ; maintenant ce sont 700 emplois rayés d’un trait de plume ! « C’est le cœur serré que nous avons appris cette nouvelle que nous redoutions tant, mais dont nous étions pourtant loin de soupçonner la rudesse. Comme tous les employés du Centre de Tarbes, nous l’avons reçue comme un coup de massue. Car, de tout temps, l’histoire de La Nouvelle République s’est étroitement mélangée à celle de la plus grande entreprise de la ville dont elle n’est d’ailleurs éloignée que de quelques centaines de mètres. Le journal du pays était avant tout celui que les ouvriers de l’Arsenal prenaient sous le bras, au guidon de leur vélo, en sortant de l’usine à 17 heures, qui était également l’heure de sortie du journal. Nos histoires se mêlaient, nos routes se croisaient au travers de ces nombreux collaborateurs qui, dans le civil, étaient avant tout arsenalistes. Tant de copains aussi, ici et là. Nos parcours se ressemblaient au point d’avoir épousé le déclin de l’Arsenal. Moins d’ouvriers à la sortie, c’était moins de journaux vendus… Pour nous, Tarbes sans GIAT ne sera plus jamais Tarbes. Et la question est de savoir, maintenant que l’on sait que GIAT ne vivra plus, si la ville lui survivra… ». Cette interrogation est, plus que jamais, d'actualité.